Une décision du Conseil d’Etat qui fragilise la coordination des soins

publié le : 7 août 2025

Le Collège Infirmier Français alerte sur une perte de chance pour les patients et appelle à un changement d’ambition vers l’infirmière de famille

Le Collège Infirmier Français (CIF) exprime sa vive préoccupation à la suite de la décision du Conseil d’État du 22 juillet 2025, qui annule partiellement le décret du 27 juin 2024 relatif à l’instauration de l’infirmier référent pour les patients atteints d’une affection de longue durée (ALD)

Si cette annulation repose sur un vice de procédure — l’absence de consultation du Haut Conseil des professions paramédicales (HCPP) — elle n’en reste pas moins lourde de conséquences. Le CIF regrette qu’un texte structurant pour l’organisation des soins soit fragilisé par un vice de procédure juridique. Une réforme attendue des patients et des infirmiers, fondée sur les réalités du terrain, se voit suspendue pour des raisons purement formelles. Ce signal, adressé aux professionnels comme aux usagers, est profondément décourageant et consternant.

Une mission infirmière essentielle, un cadre qui fait défaut

Le rôle d’infirmier référent répond à une exigence de santé publique : garantir un suivi coordonné, continu et personnalisé aux patients atteints de pathologies chroniques. Ce rôle est déjà assumé de facto par de nombreux infirmiers, notamment en soins à domicile, sans qu’un cadre juridique clair leur permette d’agir avec toute la légitimité et les outils nécessaires.
En ciblant uniquement les patients en ALD, la version actuelle du décret ne répondait déjà que partiellement aux enjeux. Le CIF appelle à élargir cette approche, car la nécessité de coordination dépasse largement les seuls cas d’ALD : personnes âgées, situations de handicap, patients en santé mentale, aidants familiaux… tous ont besoin d’un repère infirmier accessible, qualifié, engagé.

Une perte de chance pour les patients

En annulant ce décret, on retire aux patients un levier d’accompagnement et de continuité. Car sans infirmier référent, les malades chroniques restent exposés à des parcours de soins fragmentés, à des ruptures de suivi, à des retards de prise en charge. Cela se traduit, dans les faits, par des hospitalisations évitables, une moindre observance thérapeutique, et une souffrance accrue pour les patients comme pour leurs proches. Est-ce à dire que le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM), à l’origine de la saisine du Conseil d’État, agit contre les intérêts des patients ?
Cette perte de chance n’est ni abstraite ni marginale : elle affecte quotidiennement des milliers de citoyens dans tous les territoires. Ne pas reconnaître ce rôle structurant, c’est entretenir une organisation à deux vitesses, où la proximité reste un impensé du système.

Évoluer vers l’infirmière de famille

Le CIF appelle à franchir une étape décisive : faire évoluer l’infirmier référent vers le modèle d’infirmière de famille, tel que promu depuis 2000 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ce concept s’inscrit dans une vision moderne des soins primaires : une infirmière de proximité, désignée par la population, capable de coordonner, d’éduquer, de prévenir, et de suivre les patients dans toutes les dimensions de leur santé.

Ce modèle implique :

• Une approche centrée sur les besoins de la population, et non uniquement sur les pathologies  ;
• Un accès facilité aux soins infirmiers sur tout le territoire ;
• Un renforcement de la participation des patients à leurs parcours ;
• Une coordination structurée avec les autres professionnels de santé ;
• Une reconnaissance pleine et entière de la compétence clinique infirmière dans la durée.
L’infirmière de famille est une réponse structurelle aux défis de notre système de santé : vieillissement de la population, déserts médicaux, explosion des pathologies chroniques, inégalités territoriales d’accès aux soins.

Le CIF appelle à une relance immédiate de la réforme

Face à l’urgence des besoins, le CIF demande au ministère de la Santé de reprendre sans délai l’élaboration d’un nouveau décret, cette fois conforme sur la forme, mais surtout ambitieux sur le fond. Il ne s’agit pas simplement de corriger une erreur, mais de bâtir une organisation plus cohérente, plus humaine, plus efficace.