Loi Infirmière : Contribution de Grégory Caumes

publié le : 17 décembre 2025

Loi Infirmière : une Réforme Historique portée par le CIF et une Profession en Mouvement
La profession infirmière vit un tournant majeur. Après des années de revendications, de discussions, de confrontations parfois, mais surtout d’un travail rigoureux et constant, une nouvelle loi vient redessiner les contours du métier. Cette loi, attendue depuis des décennies, consacre pour la première fois une vision moderne et ambitieuse de la pratique infirmière.

Au cœur de cette transformation : l’action déterminante du Conseil Infirmier Français (CIF), soutenu par des organisations professionnelles engagées pour la reconnaissance et l’évolution du rôle infirmier.

Cette réforme ne se contente pas d’ajuster quelques lignes réglementaires. Elle change la manière dont la société, les institutions et les autres acteurs de santé regardent le métier. Elle affirme enfin que les infirmiers ne sont pas seulement des exécutants : ils sont des experts en soins, autonomes, responsables et indispensables au fonctionnement du système de santé.

Un Cadre d’Exercice Réécrit pour Reconnaître l’Expertise Infirmière

L’une des avancées les plus symboliques de la loi réside dans la clarification du cadre d’exercice et la diversité de son action.
La loi introduit également des nouveautés majeures :

Un véritable diagnostic infirmier

Pour la première fois, la législation reconnaît explicitement la capacité de l’infirmier à poser un diagnostic infirmier.
Cette reconnaissance, plus qu’un symbole, ouvre la voie à une pratique structurée, fondée sur l’analyse clinique propre à la profession.

Des consultations infirmières formalisées

Les infirmiers pourront désormais mener des consultations clairement identifiées, permettant une prise en charge holistique du patient et cela en accès direct.

Un pouvoir de prescription encadré et renforcé

Un arrêté ministériel — révisé tous les trois ans — définira les produits de santé et examens complémentaires que les infirmiers pourront prescrire.
Le CIF a œuvré pour maintenir une vision ambitieuse de ce pouvoir de prescription en maintenant l’exception d’exercice illégal de la médecine dans certains cas.
Ces avancées, loin d’être anecdotiques, renforcent le rôle pivot des infirmiers dans l’accès aux soins, la fluidité des parcours et la réponse aux besoins croissants de santé publique.

De Nouvelles Missions au Cœur du Système de Santé

La loi élargit officiellement les missions infirmières, reconnaissant une réalité déjà vécue sur le terrain depuis longtemps.
L’infirmier est désormais défini comme un acteur qui :
• dispense des soins préventifs, curatifs, palliatifs, relationnels,
• évalue la qualité de ces soins,
• contribue à l’orientation et la coordination du parcours de santé, (un acquis du CIF)
• participe aux soins de premier recours, y compris en accès direct, (un acquis du CIF)
• prend part à la prévention, au dépistage, à la santé au travail et à l’éducation thérapeutique, (un acquis du CIF)
• s’implique dans la formation et la recherche,
• est associé à la permanence des soins, dans le cadre du service public.
Ces missions, longtemps invisibles ou sous-évaluées, sont désormais inscrites dans la loi. Une victoire obtenue grâce à un travail collectif mené par le CIF, le CILEC, le SNPI et d’autres acteurs engagés.

Des reconnaissances attendue depuis des années

La réforme va au-delà des missions générales. Elle reconnaît également des champs professionnels souvent oubliés.
Un infirmier coordonnateur enfin reconnu et autonome
Grâce à l’action du CIF, la création du poste d’infirmier coordonnateur en établissement médico-social s’accompagne d’une autonomie préservée. Ce rôle essentiel dans l’organisation des soins en EHPAD et structures médico-sociales trouve enfin sa place dans le paysage législatif.

Le rôle de premier recours affirmé

L’article 3 consacre une réalité : les infirmiers sont souvent les premiers professionnels consultés. Cette reconnaissance ouvre des perspectives d’accès direct et d’allégement du parcours patient (un acquis du CIF).

Une avancée majeure pour les infirmiers de l’Éducation nationale

Leur reconnaissance comme spécialité à part entière (niveau Master) est un tournant majeur pour la santé scolaire et la professionnalisation de cette branche. Un acquis du CIF et du SNCS qui devra donner lieu à l’octroie de compétences exclusives à cette spécialité.

Une meilleure structuration de la pratique avancée

Les infirmiers spécialisés — IADE, IBODE, puériculteurs — voient leur rôle clarifié dans la pratique avancée, tandis que les infirmiers en pratique avancée (IPA) de plein exercice bénéficient enfin de la reconnaissance de l’approche populationnelle.

Reconnaissance Financière et Pénibilité : un Engagement Ouvert

La loi prévoit explicitement l’ouverture d’une négociation nationale sur :
• la rémunération,
• l’évolution des compétences,
• la pénibilité du métier.
Cette inscription est une victoire stratégique, poussé par le CILEC. Elle oblige désormais les institutions à prendre en compte la réalité du travail infirmier, trop souvent ignorée dans les discussions budgétaires.

Et Maintenant ? Une Nouvelle Bataille s’Engage

Si la loi constitue une victoire importante, elle n’est que la première étape d’un long processus. Les textes d’application seront déterminants pour concrétiser les avancées obtenues.
Parmi les enjeux majeurs à venir :
• Élaborer un décret conforme et fidèle à l’esprit de la loi.
• Définir précisément les actes et compétences.
• Établir la liste des prescriptions autorisées.
• Reconnaître des actes exclusifs pour les infirmiers de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur.
• Mieux définir le rôle des infirmiers de santé au travail.
• Répartir les nouvelles compétences entre les spécialités de la pratique avancée.
• Repenser la formation initiale et renforcer la formation continue.
• Préparer les établissements à transformer leurs organisations.
• Contraindre les institutions — CNAM en tête — à tenir leurs engagements de revalorisation financière.
Ces défis sont immenses, mais la profession est désormais mieux armée pour les affronter.

Conclusion : Une Profession qui Se Lève, Unie et Déterminée

Cette loi n’est pas seulement un texte juridique : c’est la reconnaissance d’une profession qui n’a jamais cessé de se battre pour être entendue.
Le CIF et l’ensemble des organisations mobilisées ont démontré que l’unité et la détermination peuvent transformer le paysage sanitaire.
Et pour la première fois depuis longtemps, ils avancent avec un horizon clair, une loi structurante et la légitimité institutionnelle qu’ils méritent.

La route est encore longue, mais une chose est sûre : dans cette bataille à venir, les infirmiers ne sont pas seuls, patients, élus de la républiques et société savante œuvrent pour leur évolution et in fine le respect d’une promesse républicaine : l’égal accès aux soins pour tous sur l’ensemble du territoire.

Gregory Caumes
juriste et expert en politique de santé,


Loi infirmière : l’action décisive du CIF